Concours des permutations

Extrait des Histoires enfantines, de Peter Bichsel, à paraître en mars 2014.

« Toujours la même table, dit l’homme, les mêmes chaises, et le lit, et le portrait. Et la table je l’appelle table, le portrait je l’appelle portrait, le lit se nomme lit et la chaise se nomme chaise. Au fait, pourquoi ? En anglais on appelle le lit “bedde”, la table “teïbel”, le portrait “pictcheur” et la chaise “tchair”, et on se comprend. Et les Chinois aussi se comprennent. »

« Pourquoi le lit ne s’appelle-t-il pas portrait ? » se dit l’homme, et il sourit, puis il se mit à rire, et il rit, il rit tant et si bien que les voisins tapèrent contre le mur en criant « silence ! ».

« Maintenant ça change ! » s’écria-t-il, et désormais il appela le lit « portrait ». « Je suis fatigué, je vais aller au portrait », disait-il, et souvent, le matin, il restait longtemps au portrait, se demandant comment il appellerait la chaise, et il nomma la chaise « réveil ».

Il se levait donc, s’habillait, s’asseyait sur le réveil et posait ses coudes sur la table. Mais la table ne s’appelait plus table, elle s’appelait maintenant tapis. Le matin donc notre homme sortait de son portrait, s’habillait, s’asseyait sur le réveil, devant le tapis, et se demandait comment il pourrait bien appeler les choses.

Le lit, il l’appelait portrait.

La table, il l’appelait tapis.

La chaise, il l’appelait réveil.

Le journal, il l’appela lit.

Le miroir, il l’appela chaise.

Le réveil, il l’appela album.

L’armoire, il l’appela journal.

Le tapis, il l’appela armoire.

Le portrait, il l’appela table.

Et l’album de photos, il l’appela miroir.

Alors voilà : le matin, le vieil homme restait longtemps au portrait ; à neuf heures l’album sonnait, l’homme se levait et se mettait sur l’armoire pour ne pas prendre froid aux pieds ; il prenait ensuite ses vêtements dans le journal, s’habillait, se regardait dans la chaise accrochée au mur, puis il s’asseyait sur le réveil devant le tapis, feuilletait le miroir et s’arrêtait à la table de sa mère.

L’homme trouvait la chose amusante ; toute la journée il s’exerçait à retenir les mots nouveaux. Maintenant il rebaptisait toutes les choses : il n’était plus un homme, mais un pied, et le pied était un matin, et le matin un homme.

Maintenant vous pouvez continuer l’histoire vous-même. Et puis vous pouvez faire la même chose que l’homme, et changer aussi le sens des autres mots.

La consigne est dans le texte de l’auteur. Il ne vous reste plus qu’à l’envoyer à l’adresse ci-contre : contact at lenouvelattila.fr

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